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  D’HIPPOLYTE. 105


Ce qu'elle voist luy plaist, elle en prend la ftguloe,
liais le perdant des yeux le perd d'affection.

Je ne m'estonne plus d'ouyr tant de complaintes
De ~ amans legers, dont les amours sont faiotes,
finissans aussi tost qu'eU' out commencement;
L'homme n'en est pas cause, encor qu'il soit muable;
liais il ne sçauroit rendre un bastiment durablt>,
De la foy d'une femme ayant fait fondement.

Deux beaux yeux, un beau teint, une bouche vermeille,
Un propos qui ravit les hommes de merveille,
Rendent bien un amanl du feu d'Amour espris :
Mais, pour nourrir sa namme et la faire éternt>lll',
Il le faut a88eurer d'une amour mutuelle,
C'est ce qui le retient quand la beauté l'a pris.

Qu'on n'estime jamais qu'une dame inconstante,
Qui veut embrasser tout et de rien n'est contantf',
Conserve un seul amant qui soit sans fiction;
Toute ardeur qu'elle allume est moindre que rumoe,
Car il faut bien aimer pour estre bien aimée,
Et de deux coeurs unis naist la perfection.

N'adorer qu'une chose et ne pea.ser qu'en elle,
Ne voir que par ses yeux, la trouver seule belle,
Ce qu'elle a dans le coeur le sentir tout ainsi,
Gousler par sa presen~ une douceur extrême,
Mourir ne la ,·oyant, c'est ainsi comme j'aime;
Mais je ne dure pas si l'on ne m'aime aussi.