Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/11

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Dans vn iardin bien clos, ou dans quelque verger,
Qui n'eſt veu des troupeaux ny conneu du Berger.
Le Soleil en fait cas, & rayonnant ſur elle
Accroiſt de ſes preſens ſa beauté naturelle :
L'aube ſur l'orient deployant ſes habis
Sur elle de ſon ſein fait tomber des rubis.
Ceſte fleur en paſſant eſt de tous deſiree,
La fille en veut parer ſa perruque doree :
Le roſier la cachant montre de ne faillir
À repouſſer la main qui la viendra cueillir.
Mais ſi par les troupeaux ſa couleur eſt fanee
Et par l'œil des bergers ſa beauté profanee,
Ses fueilles ſans odeur tombent ſous l'Églantier,
Et perd en vn inſtant ſon ornement entier.

   Ces pudiques Beautez, à la fin trop faſchees,
De voir de gens de peu leurs faueurs recherchees,
Tout le monde attenter à leur virginité,
Laiſſent le temple ouuert, & toutes en colere
En retournant s'aſſeoir aux coſtez de leur pere :
Abandonnent leur art ſans honneur & ſans pris,
Profané par la voix de tant de bas eſpris.

Ainſi par les ſaiſons tout fleurit & s'efface,
Les choſes pour vn temps l'vne à l'autre font place,
Et toutes à la fin cedent au changement,
Quand il n'eſt plus de lieu pour leur accroiſſement :
Lors que du plus haut Ciel les Muſes deſcendues
N'auoient qu'en peu d'eſpris leurs flammes eſpandues,
De leurs chaſtes amours les premiers inspirez
Ouurirent des treſors de la France admirez :