LIVRE I. | 5 |
XVI.
Ayant (brûlé d’amour) gemi, crié, pleuré,
Sans que voſtre froideur ſ'en peuſt voir attiedie,
I’inuoquay tant la mort qu’vne aſpre maladie
S’offre à me deliurer du martyre enduré.
I’auoy l’œil & le teint caue & defiguré,
I’auoy perdu l’eſprit, la parole, & l’ouie :
Et m’eſtimois heureux que la fin de ma vie
Donnaſt fin aux rigueurs d’vn mal ſi deploré.
Mais vous, belle tyranne, aux Nerons comparable,
Feignant vn œil piteux de me voir miſerable,
Me rendiſtes l’eſprit pour reuiure au tourment.
Las ! ſi quelque pitié peut en vous trouuer place,
Conſentez à ma mort, ie la requiers pour grace.
Le tyran eſt benin qui meurtrit prontement.
XVII.
Ie le sçay trop, qu’il ne faut que i’eſpere
Brûlant pour vous, de me voir alleger :
Et toutesfois ie ne veux m’eſtranger
De vos beaux yeux, ainçois de ma miſere.
Le deſeſpoir m’a rendu temeraire,
Ie voy le gouffre & ie m’y vay plonger :
Quand on ne peut euiter vn danger,
C’eſt le meilleur d’y courir volontaire.
Sentant au cueur l’amoureuſe poiſon,
Ie ſerois fol d’eſperer guariſon,
Veu de quel trait ma poitrine eſt attainte.
Puis des malheurs qui ſont predeſtinez,
Le ſeul remede aux cœurs determinez,
C’eſt de n’auoir eſperance ny crainte.