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son unique volume de vers, les Fleurs du mal. On sait quel fut l’accueil du public et comme quoi un procès bête donna à Charles Baudelaire, du jour au lendemain, une réputation immense et méritée.

Les Fleurs du mal, émondées par la justice, inepte comme elle l’est toujours en matière littéraire, révélaient une originalité vraie, quoique trop voulue.

Je n’ai point l’intention d’écrire ici une étude complète des œuvres de Charles Baudelaire. Pour expliquer l’influence du poète sur les jeunes générations, il suffit d’esquisser son profil étrange, aux yeux attirants. Négligeant donc la traduction des Histoires extraordinaires et les petits poèmes en prose, bijoux ciselés trop laborieusement à mon gré, je veux dégager le génie de Baudelaire des seules Fleurs du mal : il est là tout entier. De quelques exemples ressortira la bizarrerie de l’inspiration.

Ces Fleurs du mal, on les voit et on les respire d’a- vance.

Le livre


Ne dit- il pas d’abord tout ce qu’il porte au ventre[1] ?


C’est un ensemble de poésies, assez arbitrairement groupées, mais d’un effet saisissant. Baudelaire a la prétention de donner une image du monde moderne ou plutôt d’une partie du monde moderne. En réalité, son livre, d’un bout à l’autre, produit l’effet d’un cauchemar puissant. Doué d’une vision si étrange que les choses les plus simples se transforment et prennent pour lui des apparences monstrueuses, le poète n’a rien moins que le sens du réel. On ne comprend pas comment certains critiques, M. J-J. Weiss, entre autres, ont

  1. Émile Deschamps.