Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


On recevrait des fruits glacés et des compotes ;
On serait latiniste et gourmand achevé ;
Et, par la rue où l’herbe encadre le pavé,
On viendrait tous les jours une heure à Notre-Dame
Faire un somme, bercé d’un murmure de femme.


Ailleurs c’est la vieille marchande de journaux et son petit-fils aux yeux doux de poitrinaire, c’est l’épicier de Montrouge, refoulant les soupirs de ses rêves avortés, essayant de tromper la monotonie de ses jours sans soleil, c’est l’enfant de la balle, fleur artificielle de la rampe, tête trop tôt surmenée que la méningite emporte.

Apitoiements légitimes. Mais n’y a-t-il dans notre société que ces maladifs qui soient dignes de captiver le poète ? M. François Coppée expose une sorte de galerie des souffrants, il exploite les attendrissements faciles pour les mères désolées et les enfants pâles. Notre vie est plus variée, plus large. Les coudoiements effarés du monde contemporain, des cyniques d’en bas et des cyniques d’en haut, courtisane, banquier ventru, marlou faubourien, voyou blagueur et vicieux, grande dame élégante, ramasseurde bouts de cigares, gueux sans asile, prêtre sans église, petit boutiquier satisfait, misères vraies, misères feintes, la vie de Paris avec ses ironies, demandent une main plus souple et plus forte que celle de M. Coppée.

Mais qui, au même degré que lui, a le sens des horizons parisiens de ce ciel d’un bleu pâle où se détachent comme dans un lavis quelques nuages fins et dentelés. L’omnibus, couvert de têtes, qui secoue les rues, le cahot d’un fiacre sur le pavé inégal, les maigres frondaisons et la nudité des banlieues, l’encombrement endimanché des jours de printemps où la verdure pointe et où des souffles tièdes passent, le clapotement régulier du bateau mouche dans l’eau jaune et sale