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Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/48

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du jour levant, mais ce paysage est vu à travers les yeux lourds de Charles et augmente encore la sensation de malaise qu’il éprouve, par sa froideur, ses teintes sales, sa morbidesse générale. Sortez d’un lit bien chaud, à quatre heures du matin, et mettez-vous en route tout ensommeillé, vous verrez la nature comme Charles la voyait : la tristesse des cieux ajoutera à votre tristesse matinale.

Par quels procédés parvenir à cette vision obsédante ? Les classiques l’ignoraient ; ils ont pu faire de jolies descriptions, toujours un peu vagues ; c’est de l’école romantique, d’Hugo et de Gautier que nous vient l’exactitude qui évoque. Nous avons vu comment le romancier naturaliste conçoit son œuvre, comment il pose ses fondations et vérifie tout scrupuleusement. Dans l’exécution, il ne change pas de méthode. Il n’omet sous aucun prétexte le moindre trait saillant ; le classique se contente des grandes lignes ; le naturaliste descend aux minuties, pourvu qu’elles soient caractéristiques ; il ne fait pas de choix esthétique, ne rejette pas tel détail parce qu’il semble peu noble, il n’ajoute pas tel autre parce qu’il fait bien dans l’ensemble. L’art nouveau consiste à voir les détails caractéristiques et à les placer dans leur ordre naturel. On comprendra mieux les différences de la manière ancienne et de la manière nouvelle en comparant deux descriptions de même genre, l’une de Manon Lescaut, l’autre de Madame Bovary.


Description classique. Description naturaliste.
Je fus surpris en entrant dans le bourg, d’y trouver tous les habitants en alarme. Ils On distingua le bruit d’une voiture mêlé à un claquement de fers lâches qui battaient la terre, et l’Hirondelle enfin, s’arrêta devant la porte.