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Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/54

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Le charme de la poésie hugolesque est si grand pour les jeunes esprits, au sortir des aridités de la leçon apprise comme un pensum ! Les fougues castillanes et les profondes rêveries allemandes emportent si haut, si loin des platitudes quotidiennes ! Il y a tant de jeunesse et d’exubérance dans cette fantaisie géante ! Tant de faiblesse et de blancheurs idéales dans la reine d’Espagne et Dona Sol, tant de fierté farouche chez Ruy Blas !

« Je suis de 1830, moi ! J’ai appris à lire dans Hernani, et j’aurais voulu être Lara ! J’exècre toutes les lâchetés contemporaines, l’ordinaire de l’existence et l’ignominie des bonheurs faciles l[1] »

Pour toute cette jeunesse Victor Hugo semblait un demi-dieu.


Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom[2].


Flaubert prétendait qu’il avait un battement de cœur quand, sur la couverture d’un volume, il apercevait ces quatre syllabes : Victor Hugo.

On rêvait des amours délirantes, « de fulgurantes orgies avec des courtisanes illustres. » Dès le collège, on se pendait, pour échapper aux vulgarités de la vie.

Ces imaginations et les désillusions qui les suivent, le manque de rapport entre le monde subjectif et le monde objectif, en deux mots, le déséquilibrement des âmes, Flaubert l’a pris pour thème général de tous ses livres. Les rêves et les dégoûts de madame Bovary sont tout simplement les dégoûts et les rêves de Flaubert. Le Frédéric de l’Éducation sentimentale se trouve aussi victime de deux êtres qui se font la guerre en lui,

  1. Le Candidat.
  2. A. Vacquerie.