Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/58

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première ligne que Dumas n’est qu’un amuseur plein de verve, de sans-façon et de jovialité. Les contes graves de Walter Scott ne sont bons qu’à enlever aux jeunes têtes la notion juste des choses. Le même anathème retombe sur le drame dit historique.

— Peut-être, me disait un écrivain, réussirait-on à faire un bon drame historique, mais c’est une besogne qui me terrifiera toujours. Ce drame, entendu d’une certaine façon, décorations, costumes, tirades, ne saurait tenter un artiste. Quant à une restitution historique, plantant debout des hommes dans un milieu exact, elle demanderait des recherches incalculables, et encore ne serait-on pas sûr de ne commettre aucun anachronisme grossier.

Flaubert tentait donc l’impossible. Il est vrai que s’il ne put se départir, dans l’exécution, de sa méthode exacte, son projet primitif était tout simplement d’écrire une sorte de poème en prose qui le laverait du qualificatif de réaliste, un livre où il pourrait « hurler tout à son aise. » Il aimait à déclamer d’une voix tonitruante des passages de Chateaubriand, son maître direct. Il communiquait à chaque mot des intonations spéciales, et lorsqu’il composait, ne manquait jamais de crier les phrases une à une sur un ton de mélopée, ne se trouvant fixé sur leur valeur que lorsqu’elles avaient passé par « son gueuloir. » On peut prendre n’importe quelle page de n’importe quel livre de Flaubert et la lire tout haut, sans être arrêté par des cacophonies. L’auteur de Madame Bovary prétendait que la prose doit avoir son rhythme, comme les vers ; une phrase bien faite était tout pour lui. Aussi, dans les ouvrages où il s’abandonne le plus à lui-même, sacrifie-t-il à la phrase des choses essen-