Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/74

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contesté qu’aujourd’hui certaines inscriptions égyptiennes ou puniques. Et voilà pour l’éternité des périodes sonores !

Mais, quand même un poète de génie s’imposerait aux temps, est-ce que cette gloire d’outre-tombe ne semble pas une vanité suprême ? Dans la survie de l’œuvre à l’homme se cache la plus cruelle des ironies. Les descendants de Flaubert, privés de sa dernière illusion, ne désirent même pas jeter l’ancre dans les siècles. Les plus virils aiment la vie pour la vie, la lutte pour la lutte, et ne daignent point lever la tête vers le ciel impassible. C’est l’école positive de l’acceptation. Les autres, dans le noir, regardent poindre avec une sorte de volupté farouche, comme M. Paul Bourget, « l’aube tragique du pessimisme. Elle monte, cette aube de sang et de larmes, et, comme la clarté d’un jour naissant, de proche en proche elle teinte, de ses rouges couleurs, les plus hauts esprits de notre siècle, ceux qui font sommet et vers qui les yeux des hommes de demain se lèvent, — religieusement[1]. » Nos anciens étaient des hommes de belle santé, humant la vie et le clair soleil, pleins d’expansion, de gaieté et d’espoir ; à croire les Baudelairiens, nous sommes, au contraire, des blasés, attendant, au milieu d’une paix factice et morbide, l’écroulement d’un monde.



  1. Paul Bourget. Psychologie contemporaine. Stendhal.