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Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/146

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législatif vers deux heures. Il voit pour la première fois beaucoup de choses qu’il n’a point remarquées encore, la disposition et la variété des fleurs dans les parterres, la côte de Beauport qui courbe sa ligne si pure et les Laurentides au loin dans leur vaporeux nuage bleuâtre. L’air est très doux, la brise fraîche, une allégresse est dans l’air.

Après la clarté éblouissante du dehors, le corridor et les bureaux paraissent plus sombres et pleins d’obscurité, comme un caveau. L’entrain du premier ministre tombe aussitôt. Une vague angoisse l’empêche de donner à son travail l’attention suffisante. Des pas se font bientôt entendre dans l’antichambre pendant qu’éclate une voix qu’il connaît bien. C’est celle de Pierre Buteau, un député de la région de Montréal. Il a dû le censurer publiquement, en pleine Chambre, il y a deux ou trois ans, pour une affaire de concussion dans un contrat conclu avec le gouvernement par l’intermédiaire d’un neveu. Et Pierre Buteau fut forcé de remettre le bien mal acquis. Depuis ce temps il conserve la rancune de son humiliation et de sa restitution en attendant l’occasion de satisfaire sa haine tenace.