Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/148

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de son fauteuil. Puis d’une voix dure et brève il demande :

— Quelqu’un aurait-il l’intention de nous abandonner ?

— Je suis de ceux-là, répond avec cynisme Pierre Buteau, penché en avant sur sa chaise et les mains jointes. Il y en a d’autres aussi, continue-t-il. Voici une petite liste que j’ai faite avec soin. Elle compte quinze noms.

Le député les énumère un à un, lentement, pour prolonger l’attente anxieuse. À mesure qu’un nom frappe ses oreilles, le premier ministre voit aussitôt surgir dans son imagination une figure bien connue.

— Que voulez-vous ? c’est dur, mais le parti avant les hommes. Sans l’appui des manufacturiers, nous sommes défaits. Et les manufacturiers veulent Dorion qui est seul capable de nous donner la victoire.

***

Le premier ministre sait maintenant d’où le coup part et comprend la conspiration. Dorion, c’est Dorion qui a tout préparé, ourdi les fils de l’intrigue et tiré les ficelles qui font mouvoir toutes ses marionnettes, Dorion le taciturne, l’âme damnée des grandes maisons de la finance et de l’industrie. Un