Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/68

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diriger, elles étaient ballottées par la houle qui emplissait la chaloupe peu à peu. Pierre y sauta tout de suite avec sa rame et nous reprîmes aussitôt le chemin de Bellerive.

Les naufragées que nous avions ramenées étaient Madame Chevalier et sa fille Annette. Aussitôt abordé, je me dirigeai vers elles. Pierre qui avait déjà lié connaissance, me présenta. Madame Chevalier n’avait pas conservé beaucoup de sa beauté ancienne. Elle avait environ quarante-cinq ans, elle était maigre et s’habillait sobrement. À force de la fréquenter je m’aperçus plus tard qu’elle avait cet incomparable talent social de faire briller les autres. On aurait pu la comparer à un briquet auquel tous les esprits venaient s’allumer.

Mais quelle surprise en voyant Annette ! Elle avait à peine dix-sept ans, elle était de taille moyenne et possédait d’épais cheveux cendrés d’une nuance admirable. Ses yeux bleu-gris avaient un charme de douceur et de vivacité. La figure était ronde, les lèvres un peu grosses, mais la peau blanche et les gestes brusques et vifs.

Elle eut pour me remercier un mouvement subit qui lui fit tendre les deux mains et serrer les miennes :