Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/71

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Et lorsqu’il fallut repartir, je vois encore sa main fine qui se tendait vers la sienne, et ses yeux où il y avait de la reconnaissance, de l’ardeur, une supplication déjà sûre d’être exaucée :

— Vous reviendrez demain, c’est dimanche et nous irons en canot ?

C’est pourquoi il me fut inutile de parler, ce soir-là, de préparatifs de départ, d’un itinéraire à fixer, du Petit Nominingue avec ses îles que l’on atteint par les méandres d’un marais herbu et vert où se dessine la ligne d’eau des chenaux.

Les allées et venues entre notre pauvre campement et le chalet des Chevaliers ne cessèrent plus. Annette était d’une nature trop rare pour que Pierre n’en subît pas immédiatement le charme. Jusque-là elle passait ses années au couvent des Ursulines, à Québec, et ses vacances à Bellerive où sa famille émigrait dès les derniers jours de juin. Elle avait ainsi conservé sa fraîcheur et sa naïveté naturelles, et surtout une sensibilité neuve et une impressionnabilité que n’avaient pas encore usées les spectacles et les évènements de la vie : elle sentait tout pour la première fois. La moindre chose l’affectait, elle vibrait sans cesse et c’était sur son visage une succession