Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/76

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était belle et chaude, tressaillante, avec ses étoiles en guirlandes posées sur les sommets ; et le bruit sur les pierres de l’eau invisible était un chuchotement, un murmure, un chant clair et fin de tendresse ; et l’ombre était un complice. Ils arrivaient d’une promenade. Pierre la suivait, réalisant tout à coup le sentiment né si vite en lui qu’il ne l’avait point vu croître. Il la regardait avec stupéfaction se balancer devant lui dans le sentier. Un grand tumulte éclatait au fond de son cœur. Son bonheur était si lourd et si grand qu’il se sentait désemparé. Annette s’arrêta brusquement, et, trébuchant, Pierre lui saisit la main. Emporté par une force secrète, il l’attira à lui de ses bras nerveux et forts. Mais la tête en feu, bouleversée, frémissante, Annette s’arracha à son étreinte et se mit à courir vers la maison.

Elle l’aima, comme savent aimer les jeunes filles, à la fin d’une adolescence pure. Elle le trouvait supérieur à tous les autres hommes. Le regard de Pierre longtemps fixé dans ses yeux jetait en elle un émoi délicieux. Elle avait de l’orgueil à sentir à côté et comme penchée sur elle avec adoration, cette nature plus forte, plus rude et plus énergique que la sienne, qui la caressait mais aurait pu la meur-