Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/82

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tairement faite. Elle prenait des résolutions héroïques pour conserver intacte leur grande tendresse. Et, ce soir-là, ils eurent l’air de deux convalescents tant la convalescence réelle de leur sentiment transparaissait dans leur personne. Ils étaient plus gais, plus animés, ils riaient à n’en plus finir pour le moindre mot, enfin ils ne se quittaient pas des yeux comme si la menace qui avait passé sur leur amour leur en avait mieux fait comprendre le prix.

Mais transportée du couvent aux limites extrêmes de la civilisation sans cette pratique du monde qui apprend à se mieux posséder, Annette commettait chaque jour de nouvelles fautes ; sans pouvoir s’en empêcher, toujours plus confuse et plus repentante, mais victime chaque fois de sa nature débordante, primesautière et violente. Elle quittait Pierre pour causer avec un autre groupe de jeunes garçons et de jeunes filles, parce qu’elle avait entendu un mot ou une phrase qui avait déclenché subitement tout un flot de souvenirs. Et là, elle se mettait à parler, à jaser, à dire toutes ses pensées sans songer à son ami qui l’attendait, morose et solitaire. Sa jeunesse irrépressible ne résistait pas à une invitation imprévue : elle partait en coup de vent, sans