Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/84

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si vous saviez comme c’est mal de douter de moi ! Vous m’apprenez ainsi qu’il est possible que j’accomplisse des choses auxquelles je ne pensais seulement pas. C’est une possibilité de mal faire que vous m’indiquez chaque fois que vous me dites vos soupçons. Dans mon ignorance je n’étais pas tentée, tandis que maintenant je peux l’être.

— C’est vrai, vous avez raison, répondait-il. Puis il ajoutait avec tristesse : Je crois quelquefois qu’il y a dans nos natures un antagonisme et une incompatibilité dont j’ai peur.

Mais ces instants de lucidité étaient toujours rares. Pierre recommençait à lui faire des défenses, parlant d’une voix brève et dure, pendant que ses yeux noirs avaient leurs lueurs étranges. Et Annette se révoltait contre l’injustice et contre l’incompréhension. Elle s’affolait, fine créature nerveuse qui sentait trop vivement le mors, elle passait en une minute par tous les sentiments contradictoires et extrêmes, elle se cabrait, elle s’humiliait, elle pleurait, s’indignait et ripostait.

Pierre n’était pas jaloux seulement. Voici ce qu’il lui dit un soir qu’il était triste : — Toutes les fois que vous me quittez, que vous vous en allez, que vous prenez autant de plaisir à rire et à causer avec les autres que vous en