Page:Desrosiers - Commencements, 1939.djvu/129

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Les récits de Jacques Cartier font connaître les premiers modes de communication entre Français et Indiens du Canada. Tout d’abord, les signes tiennent lieu de langage ; on s’entend de cette façon sommaire sur les opérations simples de la traite et sur les sujets essentiels. Mais le grand découvreur cueille ici et là les mots les plus usuels ; et il dresse un court vocabulaire qu’il intitule : « Ensuit le langage des pays et royaume de Hochelaga et Canada, aultrement dicte la Nouvelle-France ». Noms des nombres, de diverses parties du corps, quelques phrases, figurent dans ce lexique que d’autres historiens copieront. Puis Jacques Cartier saisit à Gaspé, et embarque de force, deux Indiens qu’il conduit en France : Dom Agaya et Taignoagny.

Et lorsqu’il revient dans la Nouvelle-France en 1535, il ramène ces deux personnages. Ceux-ci ont appris le français tout en conservant une connaissance complète de leur propre parler. Et lorsqu’ils prennent contact avec leurs compatriotes, entre l’île d’Orléans et la Côte-Nord, ils commencent à « conter ce qu’ils avaient vu en France et le bon traitement qu’il leur avait été fait ». Ils agissent ensuite comme interprètes ; durant l’automne, l’hiver et le printemps, ils sont présents à toutes les entrevues : ils expliquent les paroles des Indiens aux Français, et celles des Français aux Indiens. Occupant ainsi une position stratégique, ils l’utilisent quelquefois pour leurs fins particulières ; et, au lieu de faciliter les relations entre les deux peuples, ils les compliquent et les brouillent. Par exemple, ils favorisent la fuite de trois enfants que Jacques Cartier a reçus des capitaines sauvages, et qu’il veut conduire en France « pour apprendre le langage », suivant l’ordre de son roi. Ils refusent de remonter le fleuve jusqu’à Hochelaga ; et de Québec à Montréal, les Français doivent se servir de nouveau des signes, si insatisfaisants soient-ils, et conduire de cette façon élémentaire toutes leurs relations avec les tribus.