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l’étude des langues indiennes

avec les Indiens : ils leur tiennent la porte ouverte, ils les attirent, ils les retiennent ; ils vivent avec eux. De temps à autre, on voit un religieux interroger un adulte, un enfant, des conversations s’établir, des contresens donner lieu à de comiques ou tragiques résultats. Au cours des nombreux conseils ou tabagies, les Récollets prennent la parole et prononcent des harangues ; enfin, les conversations, les baptêmes fournissent le témoignage irrécusable d’une science certaine.

Mais de 1615 à 1629, les Récollets ne deviennent pas de parfaits spécialistes des langues indiennes. Cette conclusion s’impose facilement si l’on parcourt une liste des dix religieux qui vinrent au pays, si l’on calcule la durée de leur séjour, si l’on note les années de ces séjours. Presque partout, on trouve une solution de continuité : un missionnaire passe un an ou une saison avec une tribu ; mais il n’y retourne pas ou y retourne quelques années plus tard : il se rend dans un autre district ou bien il doit accomplir un voyage en France ; un autre se présente et il parcourt les mêmes itinéraires : c’est une continuelle promenade entre Tadoussac, Québec, Trois-Rivières, le Cap de Victoire, la Huronie ; et ces déménagements successifs, inévitables sans aucun doute, ne laissent point le plaisir d’approfondir et de perfectionner. Aussi le père Paul Le Jeune peut-il à bon droit poser en 1633 la question suivante : « Qui des Religieux qui ont été ici a jamais su parfaitement la langue d’aucune nation de ces contrées ? » Et l’auteur du monumental Dictionnaire général du Canada, un autre père Le Jeune, en viendra beaucoup plus tard à la même conclusion : « Le P. Le Caron est le seul, dit-il, qui a séjourné sept ans au Canada, dont il vécut quatre à Québec ; aucun récollet n’apprit suffisamment la langue des Montagnais, des Hurons, des Neutres, des Algonquins ; le père d’Aillon est le seul qui ait su l’idiome huron suffisamment ».

D’ailleurs, cette conclusion ne renferme aucun blâme, loin de là : la communauté manquait des