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pour ces pays-ci, dit-il, que le père Brébœuf, sa mémoire très heureuse, sa douceur très aimable feront de grands fruits dedans les Hurons ».

L’inquiétude le saisit parfois : il connaît l’importance de la continuité dans ces études très longues ; autrement, comment aboutir à un savoir complet, à fond ? Il supplie ses supérieurs de lui envoyer des sujets bien doués ; il déplore « la disette de personnes qui entendent les langues… Donnez-nous, mon R. P. s’il vous plaît, des personnes capables d’apprendre les langues… Si par exemple, le Père Brébœuf et moi venions à mourir tout le peu que nous savons de la langue huronne et montagnaise se perdrait ».

En attendant, il ne néglige aucune occasion de se perfectionner. Le 16 août 1633, par exemple, « cherchant l’occasion de converser avec les Sauvages, pour apprendre leur langue, dit-il,…je me transportai delà le grand fleuve Saint-Laurent, dans une cabane de feuillages, et allais tous les jours à l’école dans celles des sauvages, qui nous environnaient ».

Mais il tombe bientôt malade, et il doit revenir à Québec. C’est alors que sa soif de savoir le montagnais en perfection l’entraîne dans sa plus difficile aventure : hiverner avec une tribu. « Car si je veux savoir la langue, il faut de nécessité suivre les Sauvages », se dit-il. Les Français qui ont voulu se former au rôle d’interprète, ou entreprendre le travail de missionnaire, n’ont-ils pas abouti à la même conclusion, depuis la fondation de Québec ?

Le Père Le Jeune se résout donc à les imiter. Mais alors que ses prédécesseurs dans cette carrière ardue n’ont laissé aucun mémoire détaillé de leurs expériences, ce jésuite rédige au jour le jour un Journal complet. Le parcourir, c’est se rendre compte du prix, en misères et en souffrances, que l’étude des idiomes sauvages a coûté aux premiers truchements et aux premiers religieux ; et c’est en même temps étudier le premier grand document sur les mœurs des nomades de la Nouvelle-France.