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Page:Desrosiers - Dans le nid d’aiglons, la colombe, 1963.djvu/127

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le terrible quotidien
sans vouloir jamais se servir de draps et de matelas, que dans sa dernière maladie quelle y fut contrainte par obéissance, et pourtant elle s’accusoit toujours de sensualité ». Tout à côté du Maître qui n’avait trouvé pierre où reposer sa tête, elle ne prendrait pas sûrement ses aises.

Dans ce domaine, elle ne semble pas s’être infligé des macérations aussi vives que Marguerite Bourgeoys ou Marie Barbier qui mit sa vie en danger avant d’être ramenée à la modération par son directeur. Dans son cas, c’est l’ensemble qu’il importe de considérer. Ses vêtements, ses bas et ses chaussures de pauvre ; son ordinaire très frugal ; ses veilles dans la chapelle et la torture par le froid, quatre à cinq mois par année ; le cilice et la discipline ; sa réclusion jalouse tout entière tournée vers le Sauveur ; son zèle à observer à tout moment la règle que lui avait élaborée son directeur ; un travail manuel incessant par lequel elle manifestait ses dons et son suprême amour ; cette adoration qu’elle voulait sans interruption. Car, malgré les permissions accordées par le directeur et nécessitées par les événements, elle vécut dans une solitude plus entière que celles d’aujourd’hui. Aussi, ses historiens reviendront sans fin sur ce point. Ils citeront la mort de sa mère alors que Jeanne vivait dans la maison paternelle. Elle n’apparut qu’après le décès,

« se contentant deluy baiser la main avant qu’on lensevelit et quoy quelle fut pénétrée dune vive douleur elle ne dit pas une parole pour son soulagement ». Même fortitude quand on ramène son frère mourant : « … Elle ne fit paraître aucune faiblesse, et lamour quelle avoit pour ce cher frère ne put luy arracher aucune plainte,