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IROQUOISIE

prisonniers. Celui qui les gardait avait promis de respecter leur vie. Mais il a bu de l’eau-de-vie qu’il avait obtenue d’un Anglais en échange de fourrures ; dans son ivresse, il a commandé à l’un de ses frères de tuer l’un des prisonniers à coups de couteau. Celui-ci a obéi. Le meurtre a mis fin instantanément aux velléités de paix. Les Algonquins ont tout de suite parlé de supplicier les autres prisonniers ; ils ont demandé au chef anglais s’il désirait racheter quelques uns d’entre eux. Mais aussi inhumain que nombre de Français, cet homme a refusé les cadeaux nécessaires. Le cérémonial de la torture a commencé aussitôt. Les Iroquois ont déjà subi quelques tourments ; maintenant les Indiens leur coupent des doigts ; ils leur lient des cordes autour des poignets et leur brisent les os ; puis ils les lient au poteau d’exécution. Femmes et filles donnent des présents aux hommes pour obtenir le privilège d’infliger quelque peine particulière ; criant, hurlant, trépignant, elles appliquent le fer et le feu aux parties les plus sensibles du corps ; elles mordent à pleines dents, enfoncent des alênes, creusent des estafilades dans la chair avec des couteaux, dessinent des entrelacs sur les corps avec des charbons ardents, appliquent des cendres et des sables brûlants. Enfin, des guerriers scalpent les victimes au milieu des clameurs qui couvrent les plaintes et les gémissements.

Le supplice le plus effroyable est celui que doit endurer un capitaine, peut-être un sachem iroquois. Il a dit avec joie : « Allons, j’en suis content, j’ai pris quantité de Montagnards, mes amis en prendront encore, et vengeront bien ma mort ». Il raconte ses exploits, il chante son adieu au monde. Tous les tourments énumérés plus haut trouvent en lui une âme indomptable. Ses bourreaux le détachent ensuite. Il court au fleuve pour se rafraîchir un peu. Les Algonquins le lient de nouveau ; ils le soumettent une seconde fois à la torture du feu : « Il était tout noir, tout grillé, la graisse fondait et sortait de son corps, et avec tout cela il s’enfuit encore pour la seconde fois »[1]. La troisième fois, les Indiens le brûlent à

  1. RDJ, 1632-11.