Aller au contenu

Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
IROQUOISIE

de guerriers ; il est lui-même explorateur, il est habitué au canot, et il se mettrait à la tête d’une armée indigène ; la présence de cent vingt soldats français donnerait à celle-ci de la consistance, de la cohésion, la confiance en elle-même ; les soldats devraient être adaptés au pays, c’est-à-dire être aguerris, protégés contre les flèches, se nourrir de peu pendant la marche ; ils auraient des armes à feu, les Iroquois n’en ont pas encore, et cette supériorité peut encore être à ce moment un facteur décisif. Toutefois aucun succès n’est jamais assuré : les Indiens ne forment que des troupes instables, capricieuses ; les Iroquois, au lieu d’attendre l’ennemi dans leurs bourgades, peuvent fuir en forêt et éviter ainsi la destruction.

Champlain ne se risquerait point dans cette entreprise, s’il ne connaissait pas la valeur de ce continent vierge qui s’offre au monde ancien. C’est, dit-il, « un nouveau monde, et non un Royaume, beau en toute perfection »[1]. Il ajoute que la « beauté de ces terres ne se peut trop priser ni louer »[2]. Il faut obliger les Français qui viendront à « travailler à la culture de la terre, avant toutes choses… »[3] ; ils doivent défricher, jardiner, planter, enter, semer. « Le pays mérite d’être habité et cultivé par les Français », s’écrie-t-il encore. Outre la culture du sol, il y a les mines, les pêcheries, les forêts, les fourrures. Champlain veut donner le nouveau monde à sa patrie. C’est une conception d’une grande hardiesse pour l’époque.

Champlain a-t-il exposé toutes les raisons qui militent dans ce sens ? Non, tout probablement, bien qu’il faille lire avec grand soin toutes les phrases qu’il a écrites sur le sujet et qui exposent l’essentiel. Après les grands conseils, il cause encore avec ses amis et alliés. Il leur expose plus longuement ses plans. Les Indiens ont la velléité d’envoyer leurs jeunes guerriers hiverner au lac Champlain, à cinq journées des ennemis, pour la chasse du castor ; au printemps, tous partiraient pour la guerre afin de venger la mort des trois Français. Enfin, le Gouverneur fixe le lieu de traite aux Trois-Rivières pour

  1. Œuvres de Champlain, v. 6, p. 362.
  2. Idem, v. 6, p. 375.
  3. Idem, v. 6, p. 363.