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IROQUOISIE

leur assistance dans cette croisade contre les Iroquois. Mais sa rancune se manifeste encore en cette rencontre : il n’a aucun présent pour la tribu de l’Ours, qui forme à peu près la moitié de la population huronne, parce que c’est elle qui conduit tout le commerce des fourrures avec la Nouvelle-France. Il l’ignore. Il négocie avec les autres seulement. Et ses demandes ont une allure assez précise de menace : si Hurons, Nipissings et autres n’acceptent pas ses projets militaires, il les empêchera de passer sur ces territoires pour aller à Québec, le printemps suivant. Dans son Île stratégique, il commande la navigation sur l’Outaouais. Et même, ce qui est moins sûr, il irait jusqu’aux rodomontades, se flattant d’être capable de ramener tous les Français à Québec, de les obliger même à repasser la mer. Bien plus, il a des conciliabules avec les Jésuites ; il leur suggère d’abandonner la Huronie, ou du moins la nation de l’Ours ; celle-là a tué Étienne Brûlé, le père Viel et son compagnon, elle a assommé huit Algonquins de l’Île autrefois ; les missionnaires risquent leur vie en ce pays, ils devraient revenir à Québec, ou encore s’établir dans l’île des Allumettes ou un bel avenir les attend.

Tous ces discours papelards, hypocrites, tous ces mots de vantardise ne gagnent personne et n’obtiennent rien. « …Ni les Hurons ni les Algonquins n’y ont point voulu entendre, et ont refusé leurs présents… »[1]. Les premiers se récusent en donnant pour prétexte qu’un détachement iroquois peut les attaquer au printemps ; la tribu de l’Ours jette toute son influence dans la balance pour faire échec aux projets soumis ; les Nipissings refusent parce qu’ils détestent les Algonquins de l’Île qui leur imposent des péages trop élevés.

Le Borgne et ses compagnons ne sont pas contents. « … Ceux de l’Île se voyant éconduits s’en sont retournés fort mécontents tant des Hurons, que des Bissiriniens (Nipissings), et ont menacé qu’ils ne laisseraient passer ni les uns, ni les autres pour aller aux Français »[2]. Cette fois la menace est précise et doit s’exécuter au printemps.

  1. RDJ, 1636-91.
  2. Idem, 1636-91.