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IROQUOISIE

Les Hurons l’encouragent : n’est-il pas bien ainsi, parmi des parents et des amis ? Ils tuent un chien et le mettent à la chaudière pour un festin. Les mains du prisonnier sont toutes douloureuses ; « elles étaient demi-pourries et toutes grouillantes de vers » ; des assistants tentent mais sans succès, de les extraire. Aussi, quand l’Onnontagué veut porter un morceau à sa bouche, il défaille. Plus tard, il chante et on lui apporte des friandises.

Il loge en la même cabane que les Jésuites. Ceux-ci lui parlent de la foi chrétienne ; un auditoire se forme autour d’eux. Enfin ils baptisent le pauvre homme sous le nom de Joseph. Les missionnaires se retirent ensuite ; les sachems causent tout doucement avec le converti ; ils l’entretiennent des affaires de la Confédération iroquoise.

Le lendemain, le prisonnier continue son voyage. Il chante toujours ; les Hurons lui préparent toujours des festins ; les missionnaires terminent son instruction. Il a maintenant atteint une seconde bourgade. C’est là que son sort doit se décider. Le conseil le donne à un Huron pour remplacer un neveu perdu. Cet homme peut lui conserver la vie, l’adopter le traiter comme un membre de sa famille. Mais il refuse de le garder, vu les mains estropiées. Il lui annonce son supplice pour le soir même, « Sus donc, mon neveu, dit-il, aie bon courage, prépare-toi à ce soir et ne te laisse point abattre par la crainte des tourments »[1]. C’est par le feu qu’il mourra : « Voilà qui va bien, dit Joseph, voilà qui va bien ». La propre sœur du neveu défunt lui apporte des aliments, elle le traite comme un fils ; « elle était d’un visage fort triste, et avait les yeux comme tout baignés de larmes ». Et le Huron qui a pris la terrible décision tient lui-même le calumet pour que son prisonnier fume, il essuie ses sueurs, lui agite devant le visage un éventail de plume.

À midi, le condamné commence son festin d’adieu. S’y trouve qui veut. « Mes frères, je m’en vais mourir dit-il, au reste jouez-vous hardiment autour de moi, je ne crains point les tourments ni la mort ».

  1. RDJ 1637-113.