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IROQUOISIE

après : c’est l’un de ceux qui sont partis le jour même. Les occupants racontent que les Iroquois sont à l’affût sur le fleuve et que le second canot a été capturé. Aussitôt la panique éclate. Les femmes veulent envahir le fort. Des éclaireurs partent dans la nuit ; ils reviennent à l’aube, ils « remplissent toutes les cabanes de terreur, racontent qu’ils ont ouï nombre de voix, comme de larrons qui se réjouissaient de leur proie, qu’ils ont même entendu quelques coups d’arquebuses, et qu’ils s’imaginent qu’ils sont bien deux cents hommes en embuscade à l’entrée du lac St-Pierre… »[1]. L’épouvante redouble les femmes sautent dans les canots et s’enfuient à Québec ou dans le Saint-Maurice ; les hommes se présentent au fort. Les Français sont encore incrédules. Ils ne craignent point le siège dont on les menace. Mais la preuve vient vite : « Enfin on vit paraître un canot d’Iroquois au milieu du grand fleuve, présentant tantôt la pointe, tantôt le flanc, toujours se promenant comme s’il nous eut voulu braver aussi bien que les sauvages ; on connut par là qu’ils étaient en nombre ». Les Français ouvrent la porte du fort aux Indiens. Une excitation sans nom règne parmi eux ; ils crient, ils courent de ci, de là ; ils s’arment, ils se parent de plumes, ils exécutent leurs danses de guerre, ils chantent. Le Gouverneur dispose froidement ses gens. Et pendant ces préparatifs, le « canot bravache » va et vient sur le fleuve afin de provoquer les Français et les Indiens. Une brise s’élève dans le jour calme. Sur les ordres du Gouverneur une barque déploie sa voile et part en reconnaissance. Elle tire droit au canot iroquois qui s’enfuit sans hâte, invitant la poursuite. Nicolet la commande. Soudain, il aperçoit les ennemis : ils sont bien cinq cents ; les uns sont dans des canots le long du rivage, les autres sur la rive, en bordure de la forêt. La barque peut difficilement approcher sans s’échouer. Un petit canon tonne ; le boulet est dirigé sur un certain nombre de guerriers qui se glissent dans les joncs ; il en tue quelques uns, croit-on, car on semble relever là-bas des cadavres ou des blessés. Une pirogue transporte au loin des hommes dont on ne

  1. RDJ, 1637-88.