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IROQUOISIE

bagage n’était pas encore arrivé, qu’on leur amena des malades ; il fallut prêter nos paillasses et nos matelas pour exercer cette première charité »[1]. L’hôpital est bientôt rempli d’indiens malades ; bientôt il faut les loger dehors sous des cabanes d’écorce. Ils « sont grandement affligés, on dit qu’ils meurent en tel nombre ès pays plus hauts, que les chiens mangent les corps morts qu’on ne peut enterrer… »[2]. Aux Trois-Rivières, la situation n’est pas meilleure : « … La petite vérole, ou je ne sais quelle maladie semblable, s’étant jetée parmi les Sauvages »[3], ils perdent l’espérance et ils croient presque tous qu’ils ne reverront pas le printemps.

L’épidémie, cette fois, vient des provinces maritimes. Des Algonquins de l’île s’y sont rendus pour rendre visite aux Abénaquis. Ils la rapportent justement à Sillery. Le fléau dissipe les groupes d’Algonquins. Les missionnaires eux-mêmes demandent aux Indiens de Sillery de s’éloigner pendant un certain temps. Et « comme ils ont été affligés depuis quelques années de grandes maladies », dit la Relation, ils attribuent cette funeste visitation aux Français et à leurs sortilèges. « Depuis, disaient-ils, que nous prions, nous voyons par expérience que la mort nous enlève partout ». C’est la troisième grande maladie contagieuse en cinq ans environ. Et comme d’habitude, les résultats en sont désastreux, car on parle de « grande mortalité » pour la nation algonquine.

Et naturellement, cette troisième épidémie prend, comme les précédentes, la route de l’Outaouais. Les Hurons viennent aux Trois-Rivières pour la traite, et elle s’embarque en croupe sur leurs canots. Ils se mêlent au passage aux groupes algonquins et sèment les microbes mortels. Le premier Huron frappé par la maladie vient aborder à un bourg où logent plusieurs missionnaires. Il meurt immédiatement ; « sans être grand prophète, on pouvait s’assurer que le mal serait bientôt répandu par toutes ces contrées… »[4]. En effet, au bout de quelques jours, toutes les personnes qui habitaient dans la cabane où est mort ce malade, doivent s’aliter à leur tour ; « puis le mal

  1. RDJ, 1639-9.
  2. Idem, 1639-48.
  3. Idem, 1639-15.
  4. Idem, 1640-54.