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IROQUOISIE

les danses, les songes, les rites de sorcellerie et de magie qui sont mêlés à tous les actes de la vie quotidienne. « …Notre pays se perd, les malades se meurent, où fuirons-nous pour éviter la mort ? »[1]. Les catholiques se rendent à Sainte-Marie, la nouvelle résidence des Jésuites, sur les rives de la baie Géorgienne. Ils y font des retraites. Ils y suivent les offices. Ils prient pour la nation en danger, pour leurs frères plongés dans la superstition. Quelques-uns travaillent activement à côté des missionnaires. Et le duel d’une émouvante sincérité se poursuit entre les deux groupes. Parfois, il est âpre et il remplit les Relations de ses cris déchirants. Mais comment empêcher que cette division soit profonde et affaiblisse encore un peuple déjà décimé ? Elle est parfois si violente que le martyre frôle certaines têtes.

Inlassables, les missionnaires veulent étendre leur champ d’action. Les pères Chaumonot et Brébeuf se rendent chez les Neutres. Le voyage occupa quatre ou cinq jours. Un franciscain, le père Joseph de la Roche d’Aillon, a déjà suivi cette route. Il a déjà pressenti l’existence de la rivière Niagara. Encore aujourd’hui, trois ou quatre bourgades neutres occupent la rive droite, entre les territoires des Tsonnontouans et ceux des Ériés.

La description des Jésuites cadre bien avec celle du franciscain. Les Neutres comptent une douzaine de mille âmes. Depuis trois ans, les guerres, les famines, la maladie les déciment eux aussi. Hurons et Iroquois se rencontraient pacifiquement autrefois en leur pays. « …Mais depuis quelque temps la furie des uns contre les autres est si grande qu’en quelque lieu que ce soit, il n’y a pas d’assurance pour le plus faible »[2].

Les missionnaires observent la parenté frappante de ces groupes iroquois engagés dans une guerre mortelle : « Nous avons tout sujet de croire disent-ils, qu’il n’y a pas longtemps qu’ils ne faisaient tous qu’un peuple… ; et qu’ils viennent d’une même famille, ou de quelques premières souches abordées autrefois aux côtes de ces quartiers ; mais que par

  1. RDJ, 1642-63.
  2. Idem, 1641-72.