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IROIQUOISIE

poursuit le plus robuste d’entre eux, lui met l’épée dans les reins et il le somme de se rendre ; il le ramène captif. Un Iroquois plus jeune est vite capturé. Le troisièmë réussit à s’échapper. Piescaret et ses six compagnons ont donc tué onze ennemis et ils ont fait deux prisonniers. Ils scalpent aussitôt les cadavres et ils se mettent en route avec les captifs. Ils ne leur infligent aucun mauvais traitement, si ce n’est de les lier étroitement.

C’est un retour triomphal. Piescaret envoie un messager à Sillery pour annoncer au missionnaire son retour le lendemain ; il demande d’aviser le gouverneur général. Le temps venu, les canots algonquins paraissent sur le fleuve ; les guerriers chantent, les scalps flottent au vent. La foule se précipite sur le rivage. Des salves de mousqueterie accueillent les vainqueurs.

Le capitaine de Sillery salue Piescaret : « Nous prenons plaisir de te voir, tu t’es vaillamment comporté, chacun se réjouit de ta venue… »[1]. Debout dans son canot, Piescaret répond en peu de mots. Le missionnaire harangue la foule. Le Gouverneur a envoyé une escouade de soldats qui tirent à leur tour de l’arquebuse.

Les occupants des canots descendent sur le rivage, au pied de la falaise. Les Agniers s’attendent au supplice. Mais les chrétiens de Sillery ont abandonné leurs cruelles coutumes ; les femmes n’entourent pas les prisonniers pour leur infliger des tortures préliminaires. Cependant, les jeunes filles exécutent des danses pour se réjouir de la belle victoire. Tous prennent part à un festin. Une vieille Indienne dont le père, le mari, les enfants ont subi de durs tourments en Iroquoisie, caresserait bien un peu ces prisonniers avec la hache ou le canon de fusil rougis au feu. Mais elle se contient au grand étonnement des prisonniers.

Le surlendemain de cette arrivée triomphale, le Gouverneur se présente à Sillery. Il entre dans la maison des Jésuites qui a subsisté au même lieu depuis ce temps lointain. Un conseil a lieu. Piescaret

  1. Idem, 1645-21.