vient de ce que « leurs guerres ne se font que par surprises, de nuit obscure, ou à la lune, par embûche, ou subtilité ».
C’est encore la guerre de l’âge de pierre : la forêt entoure la cabane ; l’ennemi s’y glisse avec habileté et il tombe la massue à la main, sur la tribu qui n’a pas décelé son approche et qui est plongée dans le sommeil. Voilà l’alpha et l’oméga de l’art militaire indien. La bataille rangée, ouverte, soit dans les bois, soit sur l’eau, est pratiquement inconnue. Toute l’ingéniosité s’exerce à produire l’attaque par surprise. Les uns et les autres sont passés maîtres dans cet art. Et c’est pourquoi les tribus tremblent à la moindre panique comme feuille au vent. Champlain morigène les Algonquins : pourquoi ne pas monter la garde pendant que la bande dort ? Pourquoi ne pas tenir ses armes prêtes ? Ces intelligences incultes se rient de la prudence. Et l’homme de l’âge de pierre continue ses sommeils troublés.
Dans les tableaux que dressent Champlain et les missionnaires, les Algonquins apparaissent comme un peuple jeté brusquement et récemment dans le nomadisme, et qui ne s’y est pas encore habitué. Ils n’ont pas de prévoyance. Ils consomment rapidement ou gaspillent leurs provisions d’anguilles fumées ; si l’hiver n’apporte pas ensuite, ou apporte trop tard ses neiges épaisses, qui permettent de tuer le chevreuil, l’orignal, d’affreuses famines se déclarent et durent pendant des mois. Le cannibalisme sévit. Une bande affamée revient ainsi à Québec pendant l’hiver 1608-9 ; elle risque la mort sur le fleuve pour atteindre l’habitation ; elle dévore les charognes les plus repoussantes. Les faits de ce genre se répètent continuellement. Des peuples plus septentrionaux que celui-là ont pourtant résolu de façon plus satisfaisante le problème de la subsistance. Tout abondant en ressources qu’est le Saint-Laurent, il ne suffit pas à cette race. Et c’est déjà comme une blessure par laquelle s’échappe le meilleur sang.
Champlain a donc le loisir d’examiner les alliés que la France s’est donnée dans le nouveau monde.