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Cinq chefs secondaires l’imitent. Montour écrase sous le poids des pelleteries.

Ainsi accoutré, celui-ci conduit la troupe à l’intérieur des palissades, dans la maison des Indiens construite pour ces réceptions ; il fait asseoir le Capot Rouge dans le fauteuil d’honneur, les autres, sur des bancs, autour de la salle.

Il allume un long calumet et le présente au potentat sauvage. Celui-ci, solennellement, en tire de grosses bouffées de fumée qu’il lance dans la direction de chaque point cardinal ; après avoir exhalé rapidement des bouffées plus petites, il le passe à son voisin de droite.

Lorsque le calumet a fait le tour de l’assistance, Montour et quelques engagés emplissent de tabac la pipe de chaque naturel ; chacun allume alors la sienne avec des cérémonies particulières très longues.

Le temps des libations est venu ; chaque visiteur reçoit une demi-roquille d’eau-de-vie mélangée d’eau. Servi le premier, le chef trempe ses doigts dans la liqueur ; il asperge les airs et la terre de quelques gouttes, puis il boit.

Déjà l’âcre fumée emplit la pièce basse. Discours et délibérations commencent au milieu d’un décorum et d’un ordre sûrs. Contrairement aux tribus du Nord, impressionnables et ardentes, qui approuvent, interrompent ou rient, les mornes tribus des plaines écoutent en silence. On débat les conditions du commerce. Puis le Capot Rouge donne un avertissement : que les Blancs fassent bonne garde autour de leur chantier. Les Gros-Ventres errent tout près ; ils seront bientôt attaqués et ils ont besoin de munitions. On a relevé aux alentours les traces de leur passage sur la neige, on a trouvé l’emplacement de leurs camps. Que les Blancs se gardent bien.

Montour le rassure. Cette rumeur est déjà parvenue à ses oreilles. Chaque jour, il reçoit des renseignements de cette sorte : il ne les dédaigne pas, non, mais il n’y attache pas trop d’importance. Autrement quand dormirait-on en paix ?

Cadotte traduit ces phrases ; ses yeux fiévreux et sa pâleur

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