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pour réparer les mocassins. Et l’on n’embarque plus que vingt-huit pièces et les provisions de maïs.

Juste à l’heure du départ arrive Tom MacDonald, ou le Bancroche, en charge du district de Rabaska. Voyageant dans un canot léger qui ne contient que des vivres et sa cassette, il a laissé loin derrière lui ses embarcations chargées de pelleteries afin de pouvoir se rendre au Grand Portage, et d’assister aux délibérations concernant les affaires de son district.

Grand, courbé, affligé d’une claudication qui lui a valu son surnom, il s’approche des engagés. « Well, well, boys, happy to meet you ». Des lueurs de cordialité brillent dans ses yeux bleus et un courant de bonne humeur circule chez les hommes. Le Bancroche est un maître jovial. Mais la bonne humeur, l’optimisme, l’entregent, recouvrent une nature dure, habile et rusée.

Après avoir examiné la brigade spéciale dont il a proposé la formation aux associés, l’hiver passé, par courrier spécial qui a traversé le continent en raquettes, il donne quelques instructions à José Paul et se précipite avec ses hommes dans le sentier qui conduit au Grand Portage.

L’heure du départ sonne de nouveau. Armés, les canots quittent le rivage, les équipages entonnent une chanson. Puis les pagaies plongent dans l’eau claire de la petite rivière aux Tourtes.

Mais l’exubérance de l’heure ne dure guère. À peine un mille et demi de navigation, et la brigade se heurte à un portage, celui des Perdrix.

C’est le premier d’une longue série.

Dans la région montagneuse et boisée que les engagés traversent, dormant dans des lits de basalte ou de granit, s’étalent les lacs innombrables. On en trouve de petits, nichés au chaud dans un creux de montagne, entre des pins ; de longs et de peu profonds, alourdis de nénuphars, de lys d’eau, de sagittaires, de folle avoine, de joncs ; de larges qui hérissent sous le vent leurs courtes lames. Pour les relier, des torrents sautent des rapides ou des chutes, coulent sur des champs de

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