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les opiniâtres

massacré sur l’Outaouais une bande de Hurons. Nos Indiens tiennent conseil ; craignant de rencontrer l’armée ennemie, ils refusent de partir. Nous convoquons un second conseil ; plus de huit cents guerriers se rassemblent. Des Groseilliers parle d’abord ; moi ensuite ; deux discours à remuer les morts, frérots. Car il faut partir, il faut partir coûte que coûte. Mais la discussion dure six jours… Sans ce délai, nous tombions peut-être en pleine bataille.

Enfin, nous sautons dans les canots. Mais le trajet est long : lac Michigan, lac Huron, rivière des Français, rivière des Outaouais : il faut bien dans les trois semaines. Nous descendons en trombe ; nous enfilons les portages au pas de course ; nous dégringolons de rapide en cataracte, avironnant, chantant…

Je tiens mes cinq cents Indiens bien en main ; le danger augmente d’heure en heure. Au sault de la Chaudière, première alerte : quatre canots sont en vue. Je lance sur eux mes pirogues rapides et l’ennemi se replie. Nous progressons l’œil ouvert. Un peu avant le Long-Sault, voici seize canots. Seize canots, c’est cent soixante hommes bien armés, dangereux. Je distribue des mousquets à mes braves, nous lançons nos cris de guerre et nous fonçons dessus ; les Iroquois fuient encore. Ils nous attendent à la tête même du rapide. Ayant mis pied à terre, embusqués dans les broussailles du rivage, ils tirent sur la longue file de mes embarcations. Moi aussi, je débarque en amont avec deux cents Sauvages armés d’arquebuses, d’arcs, protégés par des boucliers de cuir de bison durci au feu, et solides comme du fer. Au travers du bois, nous fonçons encore dessus : leurs tirailleurs se replient.

Je me disais en moi-même : ils ont un fortin au pied du rapide. Ils y courent, ils s’y enferment. Les déloger ? Nous n’avons presque plus de munitions, mes Sauvages tremblent, ils ne savent pas