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les opiniâtres

venaient d’être capturés. François gagna rapidement la maison. Il dissimula le canot dans les broussailles ; l’eau dégoulinait sur ses vêtements, les branches l’aspergeaient. Il se rendit directement aux bâtiments pour se sécher un peu, épier, examiner les alentours. Par la porte de la batterie, il voyait les fils de la pluie tisser leur trame d’air au-dessus du défriché ; un soleil blanc argentait cette toile.

Soudain il aperçut Ysolde nu-tête, courant vers lui sans rien voir ; elle s’éclaboussait dans les mares d’eau, s’embarrassait dans les touffes d’herbe. François la regarda approcher sans bouger. Ysolde se jeta dans ses bras en pleurant.

— Ils ont emporté Sébastienne, ils ont emporté Sébastienne.

— Quand ?

— Ce midi, son père l’a cherchée, il ne l’a pas trouvée.

Sébastienne, la fille de Prudent Malherbe, leur voisin. François avait rencontré souvent autour de la maison cette amie d’Ysolde : elles avaient le même âge ; une brune aux yeux noirs comme les cassis, celle-là. Elle s’était rendue dans le défriché pour cueillir des framboises : personne ne l’avait revue.

— Monsieur Malherbe, il a dit : François seul peut la ramener.

François avait assis Ysolde sur ses genoux.

— Tu la retrouveras, François ?

Ce grand frère, n’était-il pas l’être tout-puissant ? Comme les enfants de la colonie, Ysolde connaissait les tortures que les Iroquois infligeaient à leurs prisonniers. Elle en criait et elle en pleurait.

François souleva Ysolde ; il la porta jusqu’à la maison. Il l’embrassait. Lorsqu’il s’assit devant le feu, elle se campa debout à côté de lui, le bras allongé sur ses épaules ; muette elle écoutait la conversation. Prudent Malherbe était déjà arrivé en compagnie de voisins et de sa femme, Mathuri-