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les opiniâtres

il avait pensé que sa présence dans sa famille attirerait sur elle des représailles.

Soudain, il devina que Koïncha modifiait un peu sa position, que ses muscles se contractaient : la détonation retentit dans la maison basse. Pierre tira à son tour. Assourdis par les épais murs de bois de la cabane, des coups de feu s’entendirent au dehors.

— Le feu ! cria Pierre

Les bâtiments commençaient de brûler dans la nuit. Puis s’élevèrent les mugissements désespérés des vaches.

François ne bougeait pas. Il aperçut comme en rêve Ysabau, Yseult et Ysolde qui s’agenouillaient devant le petit autel de sapinages, au milieu de la fumée ; puis Koïncha qui visait, courbée en deux, se relevait, le chef branlant, pour recharger son arme. Il supputait leurs chances à tous d’échapper au massacre.

— Le feu, le bruit des détonations attireront le secours, pensait-il ; dans une demi-heure, voisins et soldats seront là.

Puis, soudain, une pensée lui traversa l’esprit. En deux bonds il gravit l’escalier ; il entra dans le grenier. Le feu commençait de flamber dans les couches inférieures d’herbe à lien et dans le bois sec. Allumées au cœur du chaume épais, les flammes se propageaient. François tenta de les éteindre, se brûla les mains, les bras.

Il descendit, rabattit la trappe sur lui. Il appela son père.

— La maison est en feu : il faut sortir.

Puis, avisant la table, il commanda : —

— Brise les pieds avec la hache.

Les pieds sautèrent l’un après l’autre ; il ne resta qu’un lourd et long panneau composé de trois madriers épais bien polis.

— Maintenant, il faut se faufiler dehors en s’abritant derrière la table ; et continuer le tir pour les tenir en respect.