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les opiniâtres

« Souvenez-vous, frérots, vous avez là la plus fine chiennaille au monde. N’avez-vous pas deviné leur tactique ? Piquer notre tempérament bouillant et nous conduire dans leur embuscade tête baissée. Les pourchasser ? Mais la gabare s’engravait au bout de dix toises sur les hauts fonds à peine recouverts d’eau. Nous, à découvert, formant cible pour les flèches ; eux, deux cents Sauvages dissimulés dans les joncs, en arrière des arbres. Pas un n’en réchappait. Qui aurait défendu le poste après ? Ces Sauvages, ne l’oubliez pas, c’est la ruse incarnée.

Leur coup manqué, les Iroquois se postèrent plus haut, dans les îles du lac Saint-Pierre.

— Ils attendent la flottille huronne chargée de pelleteries, disait Hertel.

Les déloger ? Mais comment, avec une vingtaine de soldats ? Pierre, le nouveau venu, voyait et écoutait. De surprise, il demeurait là, bouche bée. Comment ? on appellerait la garnison de Québec, les colons, même les matelots des navires mouillés dans la rade ? Et la troupe que l’on rassemblerait ne dépasserait pas cent cinquante hommes ? Un petit parti de guerre ennemi balançait-il toute la force de la Nouvelle-France ?

Les messagers s’éloignèrent en canot d’écorce ; et, deux jours plus tard les biscayennes et les brigantins commencèrent d’arriver. Le contingent des Trois-Rivières embarqua. Voiles et rames propulsaient les embarcations contre le courant. Le fleuve s’élargit bientôt, les rives reculèrent jusqu’au fond de l’horizon pour former le lac Saint-Pierre. Puis émergèrent de l’eau, dans l’éloignement, aplaties par le poids des arbres, sans cesse élargies par les alluvions, les nombreuses îles qui encombraient l’ouverture de cette nappe d’eau. Les barques exécutèrent en vain des recherches le long des chenaux serpentant entre des murailles vertes. L’archipel dépassé, elles embouquèrent une rivière encaissée qui venait du sud.