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les opiniâtres

une expédition d’au moins six semaines en plein cœur de l’hiver ? Je veux dire des soldats entraînés à marcher en raquettes, à coucher dehors, à donner l’assaut là-bas ? Nicolet le peut, moi aussi, deux ou trois autres. C’est tout. Avec les Iroquois, il faut escompter les représailles ; tuons-leur un guerrier et Marguerie et Godefroy paieront. Nicolet a dit : « Dans les circonstances, rien à faire. Ils sont interprètes tous deux, pleins de ressources. À leur place, je me dirais : « pourvu qu’au fort, on n’entreprenne rien ». D’autre part, nous n’avons pas le choix. Même avec cinquante hommes, l’expédition serait risquée.

Mais abandonner ainsi deux Français sans une recherche ?

Ysabau pleurait. Pierre se promenait de long en large. Ils se sentaient étreints par la poigne de fer de l’impuissance.

— Nous devrions comprendre cet avertissement, continua Jacques. Notre faiblesse est en partie connue ; les Iroquois nous respectent de moins en moins.

— Puis-je demeurer ici, moi ? demanda Pierre.

— J’ai passé chez Le Fûté avant de venir ; je l’ai mis sur ses gardes. Le danger est disparu je crois, ces Sauvages ne reviendront pas cet hiver. Mais vous l’avez échappé belle. Au printemps, ensemence ton défriché, la neige à peine disparue, pour être prêt à tout.

Avant de sortir, Jacques ajouta :

— Barricadez-vous avec soin le soir, n’est-ce pas ? Apportez vos mousquets au bois ; lâchez les chiens le matin avant de sortir…

Le silence régna devant la bûche qui flambait. Pierre réfléchissait à l’imminence du péril. Il voulait continuer son entreprise, mais non exposer Ysabau. Quel moyen terme inventer ?

— Ysabau.

— Oui, Pierre.