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où on le voit toujours arriver avec un peu de frayeur.

« Si tous les Évêques étaient comme Mgr . de Montréal, » disait un prélat romain à un voyageur de ma connaissance « il n’y aurait pas assez de cinq Propagandes ! »

Arrivé à Rome, sa plus grande affaire fut celle de l’Institut. Voyant que l’on ne nous condamnerait pas sur la question de possession de livres à l’index par un corps public, ce qui eût été se mettre en contradiction directe avec ce qu’on tolère partout, il remua, intrigua, sollicita, glissa mille terribles choses dans toutes les oreilles ; fit voir au microscope le monstre du libéralisme levant dans l’Institut sa tête hideuse, y répandant son venin infect, et le transformant en chaire de pestilence ;[1] et réussit à force de dénonciations qui sont toujours restées secrètes en ce sens qu’on ne les a jamais officiellement communiquées aux intéressés, à faire condamner mon discours d’abord, puis l’Institut comme coupable d’enseignement pernicieux.

Sur de faux exposés de faits, que je trouve reproduits dans la circulaire au clergé du 16 Juillet 1869 — mais l’on n’a pas jugé à propos de communiquer cette partie au public qu’elle aurait trop vivement éclairé sur la rectitude d’intention et de jugement de Sa Grandeur — Elle a persuadé aux membres de l’inquisition que l’Institut enseignait officiellement les opinions exprimées dans mon discours.

Voici la partie de la circulaire que l’on n’a pas rendue publique ici :

… « Ce livre, (l’Annnaire pour 1868) est regardé et traité avec raison comme un livre officiel et authentique de l’Institut-Canadien. Les actes qui y sont consignés sont passés constitutionnellement. L’assemblée était régulière, ayant été convoquée et tenue conformément à la constitution et aux règlements. Elle était présidée par le Président qui en a fait l’ouverture selon les formes ordinaires, et en adressant la parole aux membres présents. Les comptes de l’Institut y ont été présentés et acceptés en la manière ordinaire. Les orateurs qui ont adressé la parole à l’assemblée y avaient été invités par qui de droit, et c’est le Président qui les a présentés lui-même à l’assistance. Les discours qui ont été prononcés dans cette assemblée ont été vivement applaudis, par conséquent formellement approuvés par les membres présents de l’Institut. Les mauvaises doctrines enseignées par ces orateurs sont donc celles de tout l’Institut. Enfin ces discours, comme tous les autres actes de l’assemblée ont été livrés à l’impression et publiés sous la direction du comité de régie, chargé de représenter l’Institut tout entier pour l’expédition des affaires courantes. Aucun des membres de l’institut n’a réclamé ni contre les actes ni contre les mauvaises doctrines contenues dans cet annuaire, c’est donc que tous les membres les approuvaient. »

Voilà les étranges raisonnements au moyen desquels Sa Grandeur a persuadé aux membres de l’Inquisition que l’Institut avait un enseignement et que l’Annuaire promulguait cet enseignement. Il faut avouer qu’il fallait être singulièrement prédisposé à tout accepter pour regarder de pareil raisonnements comme sérieux. Tout cela ne supporte pas l’examen pour un homme qui comprend quelque chose à une procédure, et il va là des déductions qui peuvent faire rire un enfant.

Ainsi quand Sa Grandeur peut se résoudre à tracer de sa plume les choses que voici : « Les discours ont été applaudis par les membres présents, les mauvaises doctrines enseignées par ces orateurs sont donc celles de tout l’Institut ; » et quand on sait de plus, ce que Sa Grandeur n’ignorait certes pas, que cette réunion était publique, contenant dix personnes étrangères à l’Institut pour un de ses membres, on ne sait vraiment si l’on

  1. Expressions de l’Annonce du 18, Janvier 1863.