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immeuble important ; avait montré quel degré de vitalité possèdent les institutions dont l’émulation d’une jeunesse studieuse est la base et le mobile, et semblait être à l’abri de nouveaux revers, sauf ceux pouvant provenir de divisions intestines. Malheureusement, il ne fut pas permanemment à l’abri de celles-ci.


VI


Depuis les premiers jours de son existence, toutes les tendances de l’Institut avaient été essentiellement libérales. Le programme du libéralisme moderne était le sien. Ce programme se résumait dans les mots : Tolérance et liberté de penser.

Jusqu’à 1857 ce programme fut suivi sans réclamations de l’intérieur, sans tentatives sérieuses d’intervention de l’extérieur. Il y eut bien, de loin en loin, quelques petites tentatives réservées et pudiques, quelques petits moyens détournés d’employés pour altérer ce programme, mais ils n’eurent pas de résultat.

Il n’était encore venu à l’idée de personne dans l’Institut, de limiter le champ de l’étude, de circonscrire le domaine de l’intelligence, d’essayer de bâillonner la pensée, et d’introduire la censure des livres dans une association d’hommes indépendants et libres.

Jusqu’à 1857 personne n’avait songé à s’effrayer des dangers que pouvaient faire courir à la société quelques innocentes discussions où le mauvais côté des questions était presqu’invariablement soutenu de manière à faire triompher les notions saines et justes.

Comment veut-on d’ailleurs qu’il y ait discussion sans l’examen du pour et du contre ? Comment la vérité peut-elle resplendir et triompher si l’erreur n’est pas démontrée ? Comment distinguer toujours l’erreur sans la mettre en juxtaposition avec la vérité ?

Mais, dira-t-on, ne devait-on pas quelquefois exprimer des idées erronées, anti-sociales même ?

— Eh ! sans doute on les exprimait pour qu’elles fussent combattues ! Est-ce en examinant une question d’un seul côté qu’on l’approfondit ? Est-ce en écartant les objections qu’on les résout ?

Remarquons bien qu’il ne s’agit plus, pour des hommes qui sont lancés dans le monde ; qui sont en pleine jouissance de leur libre arbitre moral ; qui ont dorénavant à étudier et à juger par eux-mêmes, de recevoir, des impressions systématisées d’avance, des idées toutes faites élaborées pour eux par un professeur qui leur fait invariablement envisager toutes les questions possibles d’un seul et même point vue.


VII


Que la tutelle du collège soit utile, nécessaire même, ce n’est certes pas moi qui le nierai ! Mais il doit arriver un temps où cette tutelle cesse de plein droit ; où l’intelligence qui a été guidée tant qu’elle ne pouvait pas marcher seule avec avantage pour elle-même, s’émancipe d’une sujétion morale qui ne peut toujours durer ! Le temps de collège une fois passé, le système du collège doit finir ! Ce qu’on nous montre au collège, ce n’est que le moyen de se former l’esprit ! On nous y indique la route à suivre, voilà tout ! Mais quand un jeune homme sort du collège, est-ce qu’il est instruit ? Non certes, il lui faut encore travailler dix ans pour se mettre en état de devenir un homme utile !

Il vient un temps, d’ailleurs où l’homme ne peut être sûr de discerner le vrai par lui-même que s’il examine le faux, l’erroné ! S’il doit rester éternellement en tutelle qu’on le dise ! Mais qui ose le dire ? Personne. Or nous ne devons pas permettre qu’on essaie de le faire sans le dire !

Le but fondamental d’une institution comme la nôtre est de s’éclairer mutuellement par l’examen et la discussion, afin de mettre en commun, en quelque sorte, le fonds général des connaissances acquises.

Or que signifient les mots « examen, » « discussion » ?

Que l’on étudiera une question d’un seul point de vue ? C’est-à-dire que l’on parle d’un examen qui ne sera pas un examen ; d’une discussion où tout le monde devra être d’accord avant de parler ? C’est ainsi que l’on veut que l’esprit se forme !

Que l’on dise donc de suite que l’on