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qué puisqu’il s’agit tout simplement de la légalisation des régîtres de l’état civil ; mais, prenons le tel que prononcé. Eh bien, je serais très heureux d’entendre le soldat dévoué de l’ultramontanisme invoquer la liberté religieuse si cette invocation était sincère, mais comment la croire telle quand on sait que S. G. voudrait pouvoir la refuser aux autres ? S. G. réclame ici pour elle-même ce qu’elle est forcée par devoir, (devoir malentendu, va sans dire) de dénier péremptoirement à tous autres que les catholiques. L’encyclique Mirari vos, de Grégoire XVI, déclare la liberté religieuse un délire !

— Mais le délire, me dira S. G. consiste à accorder la liberté religieuse à ceux qui ne sont pas catholiques.

— Précisément ! Donc S. G. réclame ce qu’elle ne peut ni ne veut accorder à autrui. Elle ne reconnaît pas aux autres ce droit sacré qu’elle réclame pour elle même. Comment concilie-t-elle cette justice pratique avec ce grand précepte de morale évangélique, tombé de la bouche même du Christ, et qui s’impose avec autant de force à la conscience qu’à la raison et au sens de justice inné au cœur de chaque homme : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse à vous même. Autrui signifie-t-il seulement les catholiques, ou tout le genre humain ! Nécessairement le genre humain. Voilà donc une encyclique qui contredit l’un des plus grands préceptes évangéliques. Voilà donc le vicaire du Christ en contradiction palpable avec son maître ! Quel précepte devons-nous suivre ? Celui de Grégoire XVI ou celui de Jésus-Christ ?

Si la liberté religieuse est un délire, il devient évident que les catholiques seuls ont des droits que l’on soit tenu de respecter ; et que ni le protestant, ni le grec schismatique, ni le juif, ni le musulman, ni le payen ne possèdent un droit qui s’impose aux autres hommes. Il y aurait donc onze cent millions d’hommes en ce monde qui n’ont aucun droit que le catholique soit tenu de respecter. Ces onze cent millions d’hommes sont pourtant autant de créatures de Dieu ; mais d’après le droit ultramontain, nous avons le droit de leur faire ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fit à nous-mêmes !

Voilà les notions de justice et de conscience qu’en plein dix neuvième siècle l’ultramontanisme essaie encore d’inculquer au monde ! Aimez le prochain comme vous-même. Cela veut-il dire : Faites-lui ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse ? Comment S. G. ose-t-elle donc demander ce qu’elle se croit obligée de refuser aux autres ? On peut donc lui dire en toute sûreté qu’elle est l’homme de la lettre, mais certainement pas l’homme de l’esprit. « Vous ne savez pas à quel esprit vous appartenez ! ! Conséquence logique : Ne demandons pas ce que nous ne voulons pas concéder aux autres.

S. G. méritait donc une leçon, qu’elle a reçue sans doute, mais aussi adoucie que possible. Mais comprend-elle cette leçon ? Maintenant que les juges lui ont signifié que sa requête ne pouvait être admise, va-t-elle au moins se soumettre ? La Législature a parlé, les juges ont interprété la loi, cela ne devrait-il pas clore le débat ? Cela clôt tous les débats avec les laïcs. Mais est-ce que les ecclésiastiques sont obligés d’obéir à la Législature et aux tribunaux ? Est ce que l’Église peut céder ? Est-ce que les Papes n’ont pas excommunié les ecclésiastiques qui reconnaîtraient n’importe quelle juridiction civile ?

— Vous voudriez donc, me diront les arrogants, que l’Église cède sur les choses qui tiennent à la religion ? »

— Ah ! la tenue des régîtres de l’état civil en la manière et forme prescrites par la loi est chose de religion sur laquelle l’Église a droit de commander à l’état ! Ah ! Pharisiens !

S. G. a donc signifié très clairement aux juges qu’elle ne céderait pas. Voyez plutôt. « Si cet ordre est maintenu, dit S. G. l’acte concernant les régîtres peut devenir lettre morte… Voilà la tournure de phrase que S. G. adopte pour bien avertir les juges qu’elle leur résiste décidément. Elle n’a pas osé dire, à cause de la masse ignorante qui s’en serait scandalisée malgré tout : « Votre ordre, j’en ferai une lettre morte