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a rejeté la semence que l’on voulait y faire germer. Il y a vingt ans que l’on prépare sourdement ce grand coup de théâtre, et cela pour arriver au plus parfait fiasco que l’on ait encore vu en ce pays.

Cela prouve, Mgr, que quelques efforts que l’on fasse pour inculquer l’idée de la suprématie du prêtre sur le temporel, cette idée sera toujours repoussée avec énergie par les sociétés qui tiennent à rester libres. La suprématie du prêtre signifiant toujours et partout l’esclavage de la pensée, elle signifie par là même le servage politique. Encore une fois qu’était devenue la nationalité italienne sous le régime papal ? Qu’est devenue l’intelligence romaine sous la censure papale ? Pourquoi le domaine de l’esprit était-il devenu un désert comme la campagne de Rome ? Stérilité partout !

L’humanité, Mgr, repousse de plus en plus énergiquement ces entraves à son progrès, et son mot d’ordre est aujourd’hui :

Respect au sacerdoce vraiment humble, éclairé, charitable et chrétien, mais résistance énergique, et guerre s’il le faut, au sacerdoce dominateur ! !

Revendication des droits de la raison humaine !

Guerre à tous les despotismes !

Suprématie du corps social !  !

Souveraineté du peuple, et établissement définitif de la liberté !

Malheur à qui ne comprend pas !

J’ai l’honneur d’être,
Monseigneur,
De Votre Grandeur,
Le serviteur très obéissant et très
humble,
L. A. Dessaulles.

13 Février 1873.


P. S. — Ce mémoire était sous pli quand l’homme particulièrement estimable dont la mort a créé un vide si pénible à l’Évêché et dans la famille, est devenu dangereusement malade. J’ai donc du différer son envoi, et ce retard forcé m’avait même fait songer à le supprimer pour le moment.

Mais la recrudescence de folie que nous voyons le Nouveau Monde et son acolyte manifester si crûment sur le chapitre de leurs prétentions à la suprématie cléricale universelle ; la guerre sans merci qu’ils continuent de faire à tout ce qui, de près ou de loin, se rattache à l’idée libérale en politique ; — idée qui pourtant ne se résume que dans le droit qu’ont les peuples de surveiller et contrôler les gouvernements qui tiennent d’eux leurs pouvoirs, et je ne puis sincèrement pas voir ce que cette idée peut comporter de si damnable ; — l’intolérance aveugle qu’ils montrent envers tous ceux qui osent parler modération et donner des conseils sensés — témoin M. le grand vicaire Raymond que ces feuilles d’hypocrisie, de mensonge et de discorde remercient de ses longs services en lui donnant avec une si remarquable grossièreté de formes un brevet d’hostilité et de désobéissance au Pape ; — et puis les prodigieux efforts que font toutes nos feuilles cléricales pour bien inculquer dans notre population l’idée que la Législature est catholiquement tenue d’exécuter les moindres désirs des Évêques ; et surtout la dernière et étrange mesure que V. G. vient d’adopter à l’égard des paroissiens de Beauharnois qui ne paient pas de dîmes ; tous ces faits enfin qui démontrent aux plus aveugles que le Clergé tend réellement à nullifier les institutions, braver les lois, contrôler les esprits en tout ordre de choses, dominer arbitrairement les consciences et tout régir dans l’état ; tous ces faits, dis-je, m’ont convaincu que ce serait déserter la cause de la liberté et de la souveraineté nationale que de supprimer au plus fort de la lutte un écrit destiné à protester contre l’esprit non seulement dominateur, mais subversif de notre ordre social et politique, dont le Clergé fait preuve depuis quelques années.

Je dis subversif parceque la prétention de l’ultramontanisme est que le Syllabus doit être le seul guide et la