Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/100

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L’autre éclata de rire : — « Quelle bêtise, mame Goderre ! Votre mari ! Il était comme tous les autres : il vous aimait bien, mais il vous aurait vite oubliée, et quand à ce que vous faites maintenant, ça ne le tracasse plus ! N’allez pas manquer une telle chance ! Joseph Brisard est riche, il n’a ni parents, ni enfants, vous non plus ; c’est un bon et honnête homme ; il a besoin d’une femme comme vous pour avoir mieux soin de lui que sa première, une petite sans-dessein qui ne lui a jamais donné de confort. Mariez-vous, ma chère amie, c’est triste de vieillir toute seule. »

— « Elle a peut-être raison, » se disait la veuve en prenant son souper solitaire, « et si je savais que Georges… »

Le soir, ne pouvant dormir, elle était dans l’obscurité près de sa fenêtre ouverte, et dans le silence, la conversation de ses deux voisines lui arrivait très distincte : — Son Georges ! Non, il n’aurait pas été veuf longtemps, et ça ne lui coûtait pas de faire de l’œil aux femmes ! Je le vois encore passer, le matin, avec ses œillets blancs, qu’il donnait en passant à la petite femme du vieux Brisard et ça jacassait à la barrière !! Je crois bien qu’il n’y avait là que des œillets et des œillades, mais c’est pas pour un homme comme lui qu’il faut que sa femme s’enterre ! Ah ! Non ! »

Ses œillets !… Son Georges les donnait à cette petite écervelée ! Ce fut un rude