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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/117

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L’après-midi vint et Marie, à l’ombre d’un gros pommier, lisait attentivement quand un vieillard qu’elle reconnut pour un prétendu « jeteux de sort » s’arrêta pour lui demander à boire. Il était fatigué, poussiéreux, mais il n’avait pas du tout l’air méchant, et la bonne petite lui offrit la fraîcheur de son arbre pendant qu’elle lui chercherait de quoi manger et se rafraîchir. Il but avec avidité le bon lait froid et il mit le pain dans son panier. — T’as donc pas peur de moi, la p’tite ? — Non, monsieur, comme vous voyez. — Pourtant que les gens de par icitte prétendent que je jette des sorts ? — C’est des bêtises et je sais que c’est pas vrai. — Comment que tu sais, si sûr que ça ? — J’vous ai vu dire votre chapelet à l’église et je sais que les jeteux de sort c’est les amis du démon et ils ne prient pas dans les églises. — Regardez-moi ça ! c’est gros comme rien et ça raisonne comme un livre ! fait le bonhomme tout réjoui. Ben, moi, vois-tu, j’suis pas accoutumé de rencontrer quelqu’un qui se sauve pas quand j’arrive ou qui lâche pas son chien sur moi, et vrai de vrai, ça me fait plaisir d’être si bien reçu. Je t’le revaudrai ce plaisir-là et tu te souviendras de moi et ce sera pas pour m’en vouloir. —

Il partit reposé, content, et Marie avait dans son cœur toute la joie du vieux et toute la douceur de sa bonne action. L’automne passa et le long hiver et un nouveau printemps, et un jour que la bonne odeur du