Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/16

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m’apportaient la joie, la prière, et leur tristesse même m’était douce. Aujourd’hui elles me font peur : je tremble quand leurs coups espacés et lugubres se dispersent dans l’air. Du matin au soir les glas sonnent et les cloches des églises se remplacent pour sonner les adieux de tous ceux qui s’en vont ! Partout il y a des rumeurs de mort et le fléau guette et désigne ses victimes de son doigt terrible : elles tombent, luttent, et trop souvent, hélas ! elles ne se relèvent pas.

La tristesse nous enveloppe et quand nous ne pleurons pas sur nos deuils, nos amis sont frappés et nous nous désolons avec eux. Les tentations d’apathie découragée n’ont jamais été si fortes : rien ne semble valoir la peine d’être fait et nous vivons inactifs dans l’attente de choses terribles. C’est mal, c’est le geste de la mollesse égoïste qui ne sait pas se vaincre. C’est quand tout va mal qu’il faut hausser son courage à la hauteur de l’épreuve, et c’est quand il y a tant de malheureux que nous leur devons notre activité, notre énergie et l’espérance toujours vivante des âmes chrétiennes.

C’est dans les grandes épreuves publiques que nous sentons fortement que nous n’avons pas le droit de vivre seuls, à l’écart, dans une paix égoïste qui ne s’inquiète que de ses propres besoins. Et cette sympathie qu’éveille le malheur ne doit pas être un simple mouvement de notre sensibilité. Laissons-la s’extérioriser dans tous les actes de charité, de-