Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/53

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Quand la mort nous prend un être aimé, elle nous frôle de très près, et elle nous chuchote que notre tour vient : l’un après l’autre, nous nous en allons tous ! Ses avertissements nous serrent le cœur, de crainte ou de tristesse ? Ils nous causent plutôt un étonnement, comme si mourir était une chose nouvelle, et pourtant nous ne saurions compter ceux que nous avons connus et qui sont morts !

Je me dis ce soir devant mes pauvres lettres brûlées que, lorsque la mort frappera à ma porte, elle me dira : « Prends toute ta vie, depuis tes premiers sourires jusqu’à tes dernières agonies, c’est l’heure : tout ce que tu es, tout ce que tu as été, tout ce que tu espères, tout ce que tu aimes, c’est ton âme immortelle que j’ai attendue pour la conduire à ton Seigneur. » Et je partirai, et les étoiles continueront à , veiller dans la nuit, et les aurores à inonder le monde de lumière rose, et les heures, comme des vagues ininterrompues, verseront les joies et les souffrances aux vivants laissés derrière moi qui oublieront, eux aussi, que la mort les attend et viendra les prendre avec leur vie telle qu’ils la vivent tous les jours.

Quel mystère que notre insouciance de cette fin certaine et peut-être si prochaine ! Elle est tellement universelle et prodigieuse qu’elle est sûrement une des bénédictions de Celui qui, en nous donnant la vie, a voulu que nous l’aimions. Il veut sans doute aussi