Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accident évité, le priant de nous pardonner nos fautes, elle en parlait sans cesse et nous avions constamment l’impression de sa présence près de nous. Quand il fallut apprendre nos prières en français, nous avions bien peur de ne pas être bien comprises par ce bon Dieu que nous n’appelions plus notre cher bon Dieu !

J’ai vu, quand je fus sortie de l’enfance, que Kate était un poète : elle avait une imagination charmante, une façon originale de voir les choses et un tour imagé pour les exprimer.

Elle a peuplé notre enfance de choses exquises : son dévouement était délicat et inlassable. Elle brodait nos robes, et je la vois dans le jardin, tout en surveillant nos jeux penchée sur les linons fins et ajourés. Elle nous parlait si doucement , avec des mots caressants : « My honey, » « sweetheart », « My fairy. » Quand nous étions fatigués, elle recommençait ses contes auxquels elle prenait toujours le même intérêt.

Je crois que nous avions fini par absorber son indignation contre les Anglais : elle n’exprimait cependant pas son antipathie, au contraire, à la suite de ses griefs, elle ajoutait toujours pieusement : « Que notre cher bon Dieu leur pardonne ! »

On ne se forme pas une bien bonne opinion des gens qui ont besoin d’autant de pardons ! Devinez-vous la conséquence d’une telle éducation, et comprenez-vous que