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ne deviennent-ils pas, hélas ! de plus en plus semblables à des songes, tel qu’en s’éloignant dans la brume, un homme prend l’apparence d’un fantôme ?


III

Le Souvenir


Tout un monde nous reste fidèle quand celui dans lequel nous vivons nous trahit et nous décourage. Ce refuge s’ouvre toujours aux cœurs las, tristes ou tentés, et ils peuvent s’y enfermer quand ils n’en peuvent plus, après une journée harassante : ils ferment enfin les yeux et ils appellent les chers souvenirs, ils les revivent, ils se perdent dans leur douceur.

Les gens raisonnables et pratiques nous prêchent le culte des réalités présentes : « Le passé est mort disent-ils, l’avenir ne ressemblera pas à vos rêves ; ne vous amollissez donc pas dans les chimères. » Ces sages ont peur de la rêverie qu’ils considèrent l’ennemi de l’action, comme si les plus belles actions n’avaient pas leur source dans les plus grands rêves. Mais que ces énergiques et ces lutteurs soient blessés et trahis à leur tour, et la mémoire bienfaisante leur ouvre, comme aux autres, le refuge béni où ils retremperont leur courage et reprendront un nouvel élan vers l’action qui les appelle.