petite Viola ne pouvait se résigner à aimer d’amour son mari, le baron Thierri, sire de Bouxières. Cette misère était, paraît-il, fréquente au treizième siècle. Viola était toute mignonne, vive comme une hirondelle, rieuse et songeuse : on l’appela Viola à cause de ses yeux couleur d’améthyste claire. Lui, le baron, un géant, toujours dans sa ferraille, cuirassé, casqué, aimait vivement Viola. Mais il aimait aussi les grands coups d’épée, les aventures armées sur les bords de la Moselle, soit contre l’évêque de Toul, soit contre l’évêque de Metz, oncle et tuteur de sa femme.
S’il bataillait sur les terres des évêques, c’était, disait-il, pour s’entraîner à la croisade, où son grand-père, son père et ses frères avaient laissé leurs os.
Ce qui divisait le plus les époux, c’était la littérature. Thierri était ignorant comme une carpe. Viola avait lu tous les romans de la Table-Ronde ».
Je ne puis continuer à citer, ce serait trop long : vous y perdrez le ton délicieux que l’auteur emploie à conter et cette joie ironie qui n’égratigne qu’à fleur de peau, mais vous attraperez la morale, et c’est ce qui importe à Fadette quand elle se mêle d’en faire !
Écoutez donc ce qui arriva à ce ménage mal assorti. Viola n’avait pas de plus grand plaisir que d’écouter un troubadour qui lui racontait et lui chantait toutes les aventures d’amour imaginables.