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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/116

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XLV

Broyeurs de noir


Les moralistes — et à l’occasion je me fais leur écho, — nous disent que la souffrance ennoblit et élève l’âme humaine. C’est vrai quand l’âme est belle à l’origine, et qu’elle accepte l’épreuve avec résignation. Mais dans combien de cas, la souffrance physique ou morale rend l’âme amère, y engendre l’égoïsme et la révolte, et les malheureux sont doublement malheureux et répandent autour d’eux le malaise et le mécontentement. Ils ont renoncé si absolument à la possibilité d’être heureux, qu’ils ne reconnaissent pas les Joies de leur destinée venant à leur rencontre : ils détournent la tête et disent, amers : « Il ne m’arrive jamais rien de bon à moi ! »

Ils sont tellement pénétrés de l’idée de la malveillance humaine, que les bons procédés qu’on a pour eux passent inaperçus, ou bien ils les croient intéressés.

Si aucun effort d’imagination ne peut leur faire voir l’épreuve dans leur vie actuelle, ils se morfondent à s’inquiéter de tout ce que l’avenir leur réserve.

Le plaisir des autres leur fait mal, le bien qui leur arrive est considéré comme une injustice qui leur est faite à eux ; la confiance, l’espoir, le courage des autres les exaspèrent.

Ils ressemblent à celui qui, s’étant abreuvé