Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/123

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que les passants se disent : « Est-elle heureuse, celle-là ! »

Cependant la souffrance mortelle est entrée dans son âme, et tapie bien au fond, elle ronge toutes les forces vives : confiance, espoir, amour, courage, tout s’effrite, tout s’en va, le cœur se crispe, se tord, voudrait crier sa détresse, mais la loi, l’inexorable loi du silence qui clôt tant de lèvres de femmes, lui ordonne de ne rien laisser voir de ses déceptions, de ses regrets, de ses amertumes, de son infinie lassitude.

La loi qui rend introuvables les petits cadavres d’oiseaux lui ordonne d’enterrer seule, dans le mystère profond, tous les morts qui meurent dans son pauvre cœur, et de continuer à paraître heureuse… comme autrefois ! Et pourtant… écoutez, il serait possible, si ces pauvres désolées l’essayaient d’un cœur sincère, que le miracle que j’imaginais pour les petits oiseaux malades, se réalisât pour elles. Si d’un grand coup d’aile, la douleur féminine s’élançait en haut, vers l’infini Divin, je crois qu’il la prendrait tendrement, et ne lui permettrait pas de redescendre aussi lourde et amère dans les pauvres âmes accablées. Il la transformerait, et si elle doit, pour le mieux, revenir dans l’âme éprouvée, ce serait pour la vivifier et non pour l’écraser.