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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/137

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LETTRES DE FADETTE

prudence des autres, et elle a une pitié infinie de tous, car elle sait aussi qu’ils ont souffert, que souvent ils ont cru bien faire ou n’ont pas voulu faire si mal !

Elle sait que pour juger il faut être parfait, et c’est difficile, tandis que pour plaindre et pardonner il suffit d’avoir déjà été faible et de ne pas être bien méchant… c’est bien plus facile !


LIII

Vieilles filles


À la campagne, les préjugés persistent, indéracinables, et l’un d’eux, c’est qu’une fille de vingt-cinq ans, est une vieille fille ! Aussi à partir de vingt et un ans, les jeunes filles comptent les années, les mois et les jours qui les séparent du terrible anniversaire, et je connais des mariages hâtifs et malheureux qui n’eurent pas d’autre cause que l’approche de cette date fatidique.

Combien de vies de femmes ont été assombries et éteintes par ce ridicule préjugé ! « Vieille fille ! » Ce mot provoque tant de dédains, surtout à la campagne, que même la « vieille fille » de vingt-huit ans (!) porte en elle comme le sentiment d’une déchéance féminine : elle est celle qui n’a pas su plaire, celle que l’amour a oubliée : on le dit tant autour d’elle, on le croit si bien qu’elle finit par le croire elle-même, et ce n’est pas l’âge qui